Au-delà de la qualité dans l’accueil et l’éducation de la petite enfance : Les langages de l’évaluation
Prix : 28,50 €
(à la date du Oct 03, 2020 07:53:28 UTC – Détails)
Réédité et traduit en plusieurs langues, cet ouvrage est considéré comme l’un des plus importants parus ces dernières années dans le champ de la petite enfance. En s’appuyant sur des travaux menés au Canada, en Suède, en Italie, sur les apports de la sociologie de l’enfance, de la philosophie, de l’éthique, des sciences politiques, il pose les questions essentielles en ce domaine : quelle est notre compréhension de l’enfant, de ce qu’il peut être, de ce qu’il devrait être ? Quelles sont les missions des institutions de la petite enfance ? Que penser de leurs objectifs ?
Prenant en compte les évolutions politiques, sociales, économiques et technologiques à l’oeuvre dans nos sociétés postmodernes, les auteurs questionnent les recherches visant à définir et à évaluer la qualité de l’accueil dans le champ de la petite enfance. Pour eux, le concept et le langage de la qualité, actuellement dominants, risquent d’en réduire les enjeux à une simple perspective managériale soumise à la connaissance et aux techniques de mesure de quelques experts, l’accueil et l’éducation des jeunes enfants n’ayant alors pour vocation que de livrer des sujets prêts à entrer dans le système scolaire obligatoire et à intégrer la société de consommation.
Pour comprendre et évaluer le travail pédagogique auprès des jeunes enfants, ils proposent de recourir à un langage et des outils différents, articulés autour du concept de «faire sens», qui donnent toute leur place à la contextualisation, à la subjectivité, à l’incertitude et au provisoire. Rendre visible la pratique auprès des tout-petits est une nécessité, mais cette évaluation doit être en cohérence avec les missions des institutions qui accueillent la petite enfance.
Gunilla Dahlberg est professeur en éducation à l’université de Stockholm.
Peter Moss est professeur à l’Institut d’éducation, université de Londres.
Alan Pence est professeur à l’École de l’accueil de l’enfant et de la jeunesse, université de Victoria, Canada.
Extrait de l’introduction
La première édition de ce livre a été publiée il y a sept ans. Ce projet est né de notre préoccupation commune quant à la diffusion du concept de qualité dans le domaine de l’éducation de la petite enfance. Il nous a semblé que cette propagation ne s’accompagnait ni d’une réflexion critique, ni de réponses à ce que l’on peut appeler le problème que pose la qualité : le concept et la pratique de la qualité peuvent-ils accueillir et inclure le contexte et les valeurs, la subjectivité et la multiplicité des perspectives, la complexité et l’incertitude, la participation et l’argumentation ? Et de quelle façon ? Sans réponses convaincantes, la qualité nous semblait mener sur une voie dangereuse, participant de deux processus inquiétants : la standardisation et la régulation croissantes de la vie moderne (qui s’est accompagnée d’une rhétorique de l’individualisme, de la diversité et du choix) et la substitution aux politiques démocratiques d’une pratique managériale (accompagnée d’une rhétorique de la participation, de l’écoute et de la prise d’autonomie [empowerment]). Bref, l’époque de la qualité semblait être le parfait complément de la société de contrôle – le contrôle de la qualité menant au contrôle par la qualité.
À notre surprise et à notre grand plaisir, le livre semble avoir touché une corde sensible. La version originale anglaise de Au-delà de la qualité a été réimprimée six fois et elle est largement citée par des auteurs de nombreux pays. Elle est discutée sur Internet et sa lecture est exigée dans un nombre croissant de formations aux métiers de la petite enfance. Elle a également été traduite en six langues : catalan, italien, norvégien, portugais, espagnol et suédois.
L’une des raisons de cet écho peut être que ce livre participe d’un mouvement grandissant qui questionne et cherche des alternatives à un discours anglo-américain de plus en plus dominant sur l’accueil et l’éducation de la petite enfance. Ce discours est instrumental quant à sa rationalité, néolibéral quant à ses valeurs, technique quant à sa pratique et managérial quant à la discipline à laquelle il se rattache. Il nous livre une histoire positiviste de l’accueil et de l’éducation de la petite enfance, envisagés comme une technologie pouvant contribuer à réparer nombre des défauts de la société postindustrielle, sans que celle-ci ait à traiter les anomalies structurelles sous-jacentes que sont l’inégalité, l’injustice et l’exploitation. Dans cette histoire, la qualité joue un rôle clé, comme caution de la technologie dont la vocation est de livrer des sujets prêts, de façon égale, à entrer dans le système scolaire obligatoire, sujets ayant atteint un ensemble de résultats et d’objectifs prédéterminés, ce qui est l’indication qu’ils y sont bien prêts.
Pourtant, malgré cette réaction encourageante à la première édition, de nombreux secteurs importants n’ont pas été atteints par Au-delà de la qualité. Nous notons une référence au livre dans le rapport de l’OCDE sur une étude thématique de cette organisation relative à l’accueil et l’éducation de la petite enfance dans les états membres, réalisation marquante de la recherche comparative (OCDE, 2001). Mais, d’une façon générale, les références au livre et à ses perspectives sont peu nombreuses dans les documents d’orientation politique des organisations internationales et des gouvernements nationaux. Le livre est encore dans l’attente d’une large réception en Amérique du Nord, bien qu’il y ait trouvé (comme le montrent les marques d’approbation reproduites dans cette édition) un certain nombre de partisans. Nous nous en préoccupons car, bien qu’ayant des politiques et des services de la petite enfance aux effets néfastes sur des sociétés aussi prospères, l’Amérique du Nord et en particulier les États-Unis, contribuent fortement à façonner l’agenda mondial de la petite enfance, par leur domination sur la recherche et les publications universitaires et l’influence qu’exercent leurs modes de pensée (néolibéraux et positivistes) sur les organisations internationales (Penn, 2005). Dans l’ensemble, peu de signes d’une approche plus sceptique du concept de qualité se manifestent – la qualité affleure encore partout et reste une évidence, comme lorsque nous avons rédigé la première édition.